Nicolas Bedos au cœur de la soirée littéraire de "Quelle époque!" du 3 mai 2025

Nicolas Bedos au cœur de la soirée littéraire de "Quelle époque!" du 3 mai 2025

Une soirée littéraire qui tranche avec le tumulte

Parier sur une grande tranche littéraire à 23 h 25, un samedi, relève du défi. France 2 l’a tenté avec "Quelle époque!" et Léa Salamé aux commandes. Le 3 mai 2025, le plateau transformé en arène a accueilli six invités pour un échange long format de 2 h 26, où les récits intimes ont croisé l’actualité culturelle, politique et sociale.

Le casting disait l’ambition de la soirée: Anny Duperey, Louis Sarkozy, Anne Akrich, Axel Auriant, Mathieu Madénian et Nicolas Bedos. Plusieurs sont venus avec un livre sous le bras, signe que l’émission assume sa place de salon littéraire populaire, entre confidences publiques et joutes d’idées. L’idée est simple: faire se répondre des voix qui, chacune à leur manière, occupent la conversation du moment, sur les plateaux comme sur les réseaux.

Le décor et le rythme restent fidèles à la signature du programme: un plateau circulaire où l’on se parle frontalement, des séquences qui s’enchaînent sans perdre le fil, et une écriture de l’instant qui pousse les invités à clarifier leur pensée. Produit par Winter Productions et Marinca Prod, "Quelle époque!" assume ce format hybride, mi-magazine de société, mi-divertissement de soirée, pour décrypter une époque traversée de heurts, d’angles morts, et de contradictions assumées.

La respiration est venue, comme souvent, de Philippe Caverivière. Ses pastilles sur la semaine politique et sur la vie des célébrités ont joué leur rôle de soupape: décoiffer sans écraser, apporter de la distance sans dévier du sujet. Dans un rendez-vous où la parole est dense, ces sas d’humour servent à relancer la mécanique, et à ramener le public à bord.

  • Anny Duperey, voix familière des téléspectateurs, a offert un regard sensible sur la transmission et la mémoire, entre théâtre, écriture et engagement au long cours.
  • Louis Sarkozy a pris le terrain glissant où se croisent littérature et idées, avec l’envie de parler textes plutôt que posture.
  • Anne Akrich s’est inscrite dans le débat contemporain: que peut encore le roman face au flux permanent des opinions et à la vitesse des réseaux?
  • Axel Auriant, comédien de sa génération, a évoqué ce pont fragile entre scène, écran et nouvelles écritures, où l’identité artistique se négocie au quotidien.
  • Mathieu Madénian a fait ce que l’on attend de lui: mettre du grain de sel, désamorcer les tensions, et rappeler que l’humour reste une façon d’attraper le réel par surprise.

Ce mélange de registres – du grave au léger, du très intime au très public – a donné son ton à la soirée. On y a senti une envie de prendre le temps, rare à la télévision, de laisser une idée s’installer avant de la contredire. Les échanges, parfois heurtés, n’ont pas cherché la synthèse forcée: chacun a posé sa brique dans un mur de questions plus large que lui.

Nicolas Bedos, le livre comme ligne de crête

Nicolas Bedos, le livre comme ligne de crête

Au centre des regards, Nicolas Bedos est venu parler de "La Soif de Honte", en librairie le 7 mai 2025. Un texte personnel, où il met en mots ses luttes contre l’alcool, des traumatismes anciens, et le récit d’un viol dont il dit avoir été victime. Le livre revient aussi sur sa relation aux femmes et sur ses démêlés judiciaires, rappelant sa condamnation d’octobre 2024 à un an de prison, dont six mois avec sursis, pour agression sexuelle. Il n’a pas interjeté appel, et assume de revenir sur ce moment dans ces pages.

Sur le plateau, l’homme public et l’auteur se confondent souvent. L’émission n’a pas éludé le point dur: comment publier un livre d’aveux et de mise à nu tout en faisant face à une condamnation pénale? Bedos a choisi la frontalité, l’écriture comme angle, sans esquive rhétorique. Le cadre de débat de "Quelle époque!" a fait le reste: questions fermes, contradictions assumées, et la place laissée aux autres pour interroger le récit.

Par-delà la polémique, c’est la fonction du livre qui a été discutée: outil de réparation ou de responsabilité? Dans un paysage saturé d’opinions instantanées, l’objet littéraire impose lenteur et précision. Ce n’est pas une absolution. C’est une version, datée, argumentée, que chacun peut lire et discuter. En offrant ce temps long, la télévision se risque à l’archéologie d’un présent compliqué.

La soirée a aussi montré la force du dispositif: quand des profils très différents se croisent, les angles morts apparaissent. Là où un fil Twitter sature en quelques secondes, un débat de plateau, lui, reprend, ralentit, et rehausse la complexité. Les désaccords ne se règlent pas, mais ils se formulent. C’est déjà beaucoup pour une case du samedi à 23 h 25.

Le public, lui, a eu matière à discuter: des livres récemment parus, des confidences qui bousculent, et ces respirations humoristiques qui évitent l’effet tunnel. "Quelle époque!" confirme sa méthode: transformer un rendez-vous télé en lieu de passage. Un carrefour où l’actualité culturelle, la politique et la pop culture se répondent, sans se neutraliser.

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